BERNARD FAUCON

TABLES D'AMIS

La seconde œuvre de Bernard Faucon, c’est la cuisine. C’était autrefois dans son cabanon d’Apt en Provence ou rue de la Goutte d’Or, c’est aujourd’hui à Paris et même dans sa chambre d’hôtel en voyage, ceux qui sont passés chez lui n’en reviennent pas : Bernard Faucon ne déjeune ni ne dîne jamais seul. Il crée deux fois pas jour un repas végétarien, inventant presque toujours dans l’urgence de nouvelles recettes.

Ce qui m’a pris le plus de temps dans ma vie, bien plus que la photographie, c’est la cuisine… faire à manger.

Rien de compliqué, pas de grandes recettes, des trouvailles de dernière minute, le plaisir de nourrir, une cuisine de mère débarrassée de l’obsession de l’enrichissement, aussi éloignée de la cuisine des spécialistes (sournoisement grasse, parcimonieuse, décorative) que de la tristesse maniaque des végétariens.

¾ d’heure avant l’arrivée des convives je fais irruption dans la cuisine, j’allume le four, les plaques, et pendant que ça chauffe je visite le frigo, j’improvise, je crée ! J’aime l’économie de guerre, moins il y a de matières premières plus j’invente, plus c’est réussi.

J’ai conquis avec les années une liberté, une capacité d’adaptation qui m’étonne moi-même, mon seul domaine de compétence, le seul terrain sur lequel il me semble que je pourrais affronter n’importe qui !

Malheureusement je ne note rien, j’oublie, et quand je m’oblige à ressaisir quelques recettes ce sont pas forcément les meilleures qui me viennent, les plus propres à ressusciter cet esprit du manger, cette singulière gourmandise.