MADY HOME PAR LALA WANG
Volume 2
Le dernier dimanche d’août 1994, une grandiose journée de fin d’été, avec une lumière légèrement lactée avant coureuse d’automne, nous avons fêté la dernière saison de la colo.
Cela faisait trente-cinq ans que Saint Martian rimait avec enfants, que les jeux résonnaient dans la colline, que les jambes lisses se frayaient des passages à travers les genêts et les piquants, abandonnaient des sentiers, en ouvraient d’autres inattendus. Trente-cinq ans où de mai à octobre des centaines de colons crapahutaient à travers les vingt hectares du domaine, escaladaient le Rocher de la Croix, sautaient dans la méhari de Francis, mon père, sans que jamais survienne un drame, un grave accident.
Trente-cinq ans de règne irréprochable de Mady, ma mère, ferme et maternelle avec les pensionnaires, courtoise et vigilante avec le personnel. Contrôlant tous les recoins de la maison, le linge, le contenu des valises, l’évolution du moindre bobo, du moindre rhume, assistant à tous les repas et remplissant bien souvent elle-même les assiettes. Tandis que Francis, avec son zèle poétique, courait partout où il pouvait se rendre utile, s’évadait avec le groupe des grands dans sa voiture transformée en engin de foire, racontait la légende des Trois Barbus qui devenait réalité quand un message des Barbus attendait sur le chemin.
La fête a commencé à 15 heures et s’est terminée à la nuit. Entre 300 et 400 personnes, en comptant les pensionnaires et le personnel d’encadrement du moment. C’est ce qu’on avait souhaité, pas trop, suffisamment. Quelques-uns de la première heure, de jeunes grands-pères, ce qui faisait trois générations réunies dans la même célébration et donnait l’impression d’un grand camp d’été s’étirant sur la moitié du siècle.
J’avais réuni mes meilleurs tours : murs d’images, montgolfières, soucoupes volantes, jeux de piste, surprises sonores et haltes gourmandes dans la colline… Camions de pizzas, glaces et tartes aux framboises de Pierrot Blanc, plaques géantes de pâtes de coing de Mady, fruits et légumes rares du poète jardinier de Saignon…
La lumière était féerique, au plus près du rêve de ma mère d’un Grand Meaulnes provençal. Avec son élégance habituelle, elle se déplaçait au milieu de tout ce monde, sans laisser paraître la moindre fatigue, alors qu’elle avait tout supervisé, et continuait à veiller sur le quotidien de la colo. La température était exquise, un état de grâce inespéré après les journées orageuses de la fin août.
La journée s’est clôturée avec deux grands classiques, particulièrement réussis ce jour-là : Les colonnes de feu de chlorate de soude et de sucre en poudre, et le lâcher d’étoile. Une centaine de bâtons bleus (Cyalumes) tractée par d’énormes ballons gonflés à l’hélium. La constellation a contourné Saignon, puis est revenue au dessus de nous, en poursuivant son ascension, avant de disparaître dans un noir profond. Tout cela sur de grands jeux d’orgue. Car nous n’avions rien trouvé de mieux que de détourner sur Saint Martian un organiste avec un véritable orgue d’église mobile !
Quand, longtemps après, je me suis rendu compte que je ne possédais aucune photo digne de cette fête, ni de toute l’histoire de la colo, j’ai réuni ce qui me restait : des tirages flous, jaunis, écornés, des prises de vue mal cadrées, et j’ai envoyé le tout à Lala Wang, en lui suggérant de recréer « Mady Home ». On ne peut pas dire que ces étonnants collages de Lala rendent vraiment l’atmosphère de Saint Martian et de cette fin de siècle provençal, mais ils ouvrent une fenêtre sur l’ailleurs, sur un rêve de petit Chinois, à la suite des innombrables colons qui ont rêvé, réinventé, la Colo de Francis et Mady.
Aujourd’hui encore, il ne se passe pas une semaine, un mois, sans qu’un ancien, nostalgique, ne se présente aux portes du domaine, pour raviver ses souvenirs, poursuivre son rêve…
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