LE PLUS BEAU JOUR DE MA JEUNESSE
Entre 1997 et 2003 j’ai organisé dans vingt-cinq lieux du monde une fête d’une journée à laquelle, chaque fois, cent jeunes ont été conviés, chacun muni d’un appareil photo jetable.
À partir des milliers de photographies récoltées, j’ai inventé Le plus beau jour de ma jeunesse.
Du Maroc au Japon, de la Birmanie à Cuba, du Cambodge à la Suède… j’ai cru retrouver dans cet instantané de la jeunesse du monde, vingt ans après, l’ambiance ludique et festive, le bonheur retrouvé, de mes premières mises en scène photographiques.
Voici comment s’est déroulée chaque fête :
J’ai convaincu les organisateurs qu’il ne s’agissait pas d’un atelier photo, mais d’une expérience gratuite, proustienne, du temps, de la photo, du bonheur.
Nous avons choisi un lieu représentatif du pays et suffisamment inattendu pour les jeunes, un territoire ni trop petit, ni trop grand.
J’ai demandé à ce que les 80 à 100 participants, de 15 à 20 ans, n’aient pas tous la même origine sociale ou culturelle. J’ai rédigé une lettre à leur intention qui a été traduite dans leur langue.
J’ai rencontré ces jeunes une première fois pour leur parler du projet. Je leur ai demandé de choisir un objet personnel qu’ils emporteraient avec eux le jour de la fête. J’ai insisté sur le fait que le sujet n’était pas le lieu choisi, que c’était ce qu’ils aimaient, que c’était eux.
Un beau matin nous partions en autocar, en bateau… chacun avec son appareil jetable (sauf les deux dernières fêtes numériques). Je ne m’occupais pas des prises de vues. Nous courions d’un groupe à l’autre, distribuant des surprises : fumigènes, papiers d’or, bengales, boissons…
Les 2 ou 3 jours qui suivaient, nous faisions la sélection des photographies, les reproductions et le montage de l’exposition.
Puis venait le vernissage et le miracle d’une véritable exposition. Car chaque fois, tant que la sélection n’était pas terminée, nous doutions, « et si cette fois ça ne marchait pas… ». Il nous a fallu attendre la dernière fête pour nous rendre à cette évidence : quand on a déterminé une unité de lieu, de temps, d’âge et qu’on extrait 60 images sur 2 à 3000, ça ne peut que marcher, c’est infaillible. Les participants, eux aussi, n’en revenaient pas, c’était vraiment leurs photos, mais ça dépassait ce qu’ils imaginaient, leur liberté avait pris corps au contact de notre liberté à nous, de notre sélection.
Mais ce n’est pas tout. Découper arbitrairement une durée de temps, la dédier au bonheur, la restituer ensuite dans la mise en scène d’une exposition, fait que le vœu devient réalité, le moment devient exceptionnel. Les vernissages étaient ponctués de : « Monsieur c’est vraiment le plus beau jour de ma jeunesse ! »
Dans 20 ans, dans 50 ans, beaucoup probablement se souviendront, feront référence le plus sérieusement du monde au Plus beau jour de ma jeunesse. »
SOUVENIRS DES PLUS BEAUX JOURS
Paris, parc de La Villette. La journée était grise et pluvieuse. Les jeunes se dispersaient dans les recoins du parc et se regroupaient autour des surprises que nous leur avions préparées et d’un grand goûter dont les 26 gourmandises avaient été choisies en fonction de leurs initiales, pour former les 26 lettres de l’alphabet avec lesquelles on pouvait se servir selon son prénom… Nous avons jeté dans un bassin du parc cent kilos de glace carbonique qui, avec la différence de température, ont fait bouillonner l’eau comme une marmite de sorcière pendant vingt minutes, en répandant une fumée stagnante sur toute sa surface. Dans tous les pays que nous visitons, cette journée est celle des jeunes, ce sont eux qui la font, qui l’organisent selon leurs idées et leur liberté. Les surprises que nous préparons ajoutent un peu d’étonnement mais représentent peu par rapport à l’appropriation du lieu de la fête par les jeunes et du moment à part de cette journée dans leur vie. Un petit Parisien m’a dit après une surprise, et je m’en souviendrai toujours par contraste avec l’enthousiasme des jeunes du monde entier : Bon, y’a quoi maintenant ?
Turquie. Froide et belle journée de décembre, dans un quartier d’Istanbul qui fait face au continent asiatique, de l’autre côté du détroit du Bosphore. Nous avons investi la grande terrasse d’un café, au bord de l’eau, que nous imaginions grouillante de touristes et de camelots en plein été. Nous nous réchauffions avec du thé, du café à la cardamone et une boisson de lait épaissi à la cannelle. Les jeunes connaissaient bien le quartier, ils disparaissaient à la recherche de bons endroits pour leurs idées de photos. Paradoxalement, après cette longue journée d’hiver, la nuit a apporté un peu de réconfort, de chaleur presque, peut-être parce que le vent qui soufflait sur le détroit s’était calmé, peut-être seulement parce que nous enflammions des torches de couleur et nous nous agitions autour des jeux de lumières que nous avions apportés. Le plus beau jour ne dure qu’une journée, mais le soir, quand la nuit est tombée, quand on se sépare jusqu’à l’exposition qui aura lieu dans trois ou quatre jours, on a le sentiment d’avoir vécu ensemble déjà longtemps.
Myanmar. Cinquante étudiants en français à Rangoun sont venus en car jusqu’à Bagan, l’ancienne capitale de l’Empire birman, construite entre le XIe et le XIIIe siècle et dont il reste aujourd’hui trois mille pagodes et stupas dans une vallée refermée d’un côté par une petite chaîne de montagnes et de l’autre côté par un fleuve. Pour les étudiants bouddhistes, c’était un pèlerinage, dont la rencontre et la journée de fête avec Bernard constituaient les temps forts. Nous avions repéré trois endroits : un ensemble de ruines autour d’un temple sur la terrasse duquel on pouvait monter, un monastère au bord du fleuve pour le déjeuner et les heures les plus chaudes de la journée, et un temple énorme, massif, pour la fin de l’après-midi, jusqu’à la tombée de la nuit. Ces milliers de stupas pointés vers le ciel, à perte de vue, les dizaines de petites tables dressées au bord de l’eau, à l’ombre du monastère, les plages de sable du fleuve, les couloirs obscurs des temples où nous étions seuls, formaient un terrain de rêve qui dépassait même l’ambition de cette journée. Le matin, quand je distribuais les appareils, un jeune Birman m’a dit sans rire, parce que c’était vrai, et j’ai repensé à ce que m’avait dit le petit Parisien : Monsieur, c’est le plus beau jour de ma jeunesse…
Thaïlande. À Bangkok, le fleuve Chaopraya est le seul endroit où souffle un peu d’air, où l’on n’est pas asphyxié par les gaz d’échappement, le seul endroit respirable. Nous avons affrété un bateau, et nous avons remonté, avec les cent jeunes Thaïs qui pour la plupart n’étaient jamais allés sur le fleuve, toute la ville moderne, au milieu des gratte-ciel, jusqu’à la campagne, en amont du fleuve, où la journée s’est déroulée autour d’un temple bouddhiste. L’endroit est un concentré de Thaïlande rurale, avec l’école primaire et le terrain de sport attenant au temple, et des maisonnettes en bois au milieu de bananeraies. Les jeunes de Bangkok passent leur temps libre dans les gigantesques shopping centers de la ville. Ils sont habillés et ils vivent comme dans les vidéo-clips qu’ils consomment à longueur de journée. Et comme dans un vidéo-clip, sur le bateau, ils se sont mis à mitrailler avec leurs appareils jetables et, alors que dans les autres pays les jetables tiennent jusqu’au soir, les Thaïs ont vidé les leurs en deux heures. Mais ils n’ont pas perdu leur entrain, ils ont passé l’après-midi à jouer au foot, à préparer des surprises avec nous, à goûter, à jouer de la musique, à chanter sur le pont du bateau pendant le retour vers Bangkok, au crépuscule.
Cuba. Voyage très officiel à deux heures de route de La Havane, dans une belle campagne de champs de tabac, derrière une ferme, au pied d’une petite montagne, avec des prés colorés, une bananeraie sombre et dense, et une grotte pour faire des jeux de lumières et se réfugier en cas d’orage. Nous étions accompagnés par l’équipe du Musée d’Art contemporain de La Havane, par des représentants du ministère de la Culture, des Jeunesses communistes et par la télévision nationale, mais malgré leur présence, les responsables de la culture de la région où nous étions, parce qu’ils estimaient ne pas avoir été assez consultés, assez flattés par les autorités de La Havane, nous ont interdit le lieu de la fête où les jeunes avaient déjà commencé à se disperser. Ils nous ont obligés à passer l’après-midi autour du parking d’une arnaque à touristes, l’endroit le plus laid de l’île, une vilaine peinture de dinosaures sur une falaise ! Les représentants officiels qui nous accompagnaient et les jeunes étaient furieux, mais personne n’a protesté. Cette situation était d’autant plus désespérante que l’éducation socialiste est une réussite : la jeunesse qui nous accompagnait et taisait son indignation était belle par sa conscience d’elle-même et du monde, par son intelligence et par son enthousiasme.
Cambodge. Nous avons passé la journée dans l’enceinte d’Angkor Tom, l’ancienne ville d’Angkor recouverte par la jungle, avec des élèves francophones de Siem Reap et des orphelins qui sont, grâce à une association française, soignés et éduqués dans une pagode tenue par des moines bouddhistes et des volontaires, petit temple et salle de classe entourés par la forêt. Le ciel était noir, prêt à éclater. Même s’il ne pleuvait pas, le degré d’humidité était tel qu’on était ruisselant. La pluie est tombée après un déjeuner de conte de fée : des dizaines de tables rondes, dressées avec des nappes blanches dans une clairière de la jungle, où nous avons servi un repas de fête aux participants et à tous les orphelins, dont une table de petites filles qui seraient tombées malades, parce qu’elles n’arrivaient plus à s’arrêter de manger, si les trombes d’eau ne les avaient pas interrompues. Après l’averse, nous sommes ressortis dans les dédales de pierres recouvertes de lichen sombre, où les racines des arbres, qui à la fois détruisent les monuments et retiennent leur chute, ressemblaient à de gros serpents, où les jeunes moines ressemblaient à des apparitions derrière les nuages colorés de nos fumigènes…
Suède. Trajet d’abord en tramway, puis en bac, puis à pieds pour traverser la partie habitée d’un îlot de l’archipel qui est au large de Göteborg, et atteindre sa partie sauvage, à l’ouest, mini-fjords d’eau très bleue, avec des herbes en fleurs, des lumières très pures, un couchant fulgurant. En plein mois d’août, on sentait déjà l’hiver pressé de reprendre sa place, juste derrière la température encore douce de l’été. Un groupe de filles passionnées est resté avec nous jusque tard dans la nuit. Crépuscule interminable sur le pont du dernier bac, tout dernier crépuscule d’été. Dans tous les pays, hormis au Mali et en Indonésie, les filles ont été majoritaires et ont été, je crois, les plus émues par leur rencontre avec Bernard. Toujours plus nombreuses que les garçons à s’inscrire, à comprendre, à s’investir, ce sont sûrement elles qui ont vécu les Plus Beaux Jours. Au vernissage de l’exposition à Göteborg, les jeunes Suédoises nous ont lu un discours qui disait non seulement, comme dans tous les pays, leur étonnement et leur plaisir de voir leurs images constituer une œuvre, mais leur compréhension et leur approbation du travail qui séparait leur journée de l’exposition que nous en avions faite.
Allemagne. Nous avons passé la journée entière sous une pluie pénétrante et froide. Les jeunes ont été admirables : toujours enthousiastes, ils n’ont pas cessé de photographier. Souvent, pour ne pas dire à chaque nouvelle étape, nous avons craint qu’il ne se passe rien : Ça a marché jusque-là, mais si cette fois ça ne marchait pas ? Les jeunes que nous voyons le plus sont ceux qui restent autour de nous parce qu’ils n’ont pas assez d’idées pour prendre le large, et sur cent jeunes, il y a toujours un petit groupe qui manque d’imagination. Quand nous avons fait la sélection des images sur les lits de notre chambre d’hôtel ou sur la moquette chez notre ami Jérôme, le directeur de l’Institut français d’Heidelberg, entre les carillons des trois églises baroques qui entouraient son appartement, les jeunes qui nous ont surpris et rassurés étaient ceux qui s’étaient enfoncés dans les bois bordant « le chemin des philosophes » parallèle à la Nekar, la rivière qui traverse la ville. Dans tous les pays, les jeunes les plus actifs sont ceux que nous ne voyons pas, et qui disparaissent là où leurs idées les mènent.
Apt. On ne croyait pas beaucoup aux jeunes d’Apt : après l’expérience parisienne, nous avions un a priori à l’encontre des Français. La journée a commencé avec le même problème d’autorité qu’à Paris, un problème que nous n’avons rencontré dans aucun autre pays, celui des adultes français à l’égard des jeunes. Les encadreurs français sont incapables d’inscrire les élèves en leur disant simplement vous venez tel jour, à telle heure. En France on aime à penser que les jeunes sont assez responsables pour s’inscrire tout seuls, et plus encore pour respecter cette inscription. À Apt comme à Paris, le nombre des jeunes qui se sont présentés le jour de la fête était plus proche de cinquante que de cent. Mais les Aptésiens ont été tellement fins, gentils, tendres, qu’ils nous ont réconciliés avec la France. Ils ont vécu cette journée comme ce qu’elle est réellement, la participation, l’intégration à une œuvre, et ont été touchés par le retour de Bernard dans son pays, dans le lycée où il était élève, les guidant sur les lieux de son enfance et de ses mises en scène. Ils n’ont arrêté qu’à la nuit tombante de photographier une Provence automnale, plus austère que celle des vacances. Parmi eux, une jeune Suédoise qui passait un an dans leur lycée a reconnu, dans les images du Plus Beau Jour à Göteborg, une de ses meilleures copines…
Mali. Peu d’inventions, de mises en scène, mais une déclinaison de poses, la seule photographie vécue par les Maliens, lors des fêtes de mariage, de baptême, de la fête nationale ou des fêtes religieuses. Dans la belle enceinte de l’école de Lassa, un quartier de Bamako séparé du centre-ville par le relief d’une colline, nous avons réuni des élèves de cette école et des jeunes militaires du prytanée de Kati, proche de Bamako. La journée s’est passée dans le village et sur la colline qui surplombe la capitale et la vallée du Niger. À chaque vernissage, nous remettons aux jeunes leurs pochettes de tirages. Les élèves du prytanée avaient déjà l’expérience de la photographie, mais les élèves de Lassa, d’un milieu plus modeste, étaient émus de recevoir, pour la première fois de leur vie, leurs propres photos. Les garçons, passé un moment de timidité, ne sachant que faire avec cette pochette dans les mains, se sont mis à comparer leurs photos, et les filles, magnifiquement habillées et maquillées comme pour un jour de fête, se sont assises par terre devant la salle d’exposition et, exactement comme dans les marchés, elles ont posé leurs photos en vrac, sur le sol, les ont mélangées et les ont commentées en les poussant du doigt, les prenant et les remettant dans les tas mouvants d’images qu’elles encerclaient par petits groupes.
Sicile. Ici, on jouit de parler, ce n’est pas une légende, on sent que les Italiens se font du bien à parler leur langue, à l’exagérer. L’appel, dans le car, repris en cœur par tous les élèves : une vraie chanson. Pendant toute la journée, sur l’immense site grec de Selinunte, au milieu des temples antiques, les jeunes se sont parlés avec leurs téléphones portables. Nous leur avions dessiné un plan indiquant les différents rendez-vous de la journée, les surprises et le déjeuner. Ne les voyant pas arriver, à l’heure du déjeuner, nous nous sommes demandés s’ils allaient trouver l’endroit sur le plan, mais les premiers arrivés ont aussitôt téléphoné aux autres. La journée était splendide, le temps radieux, chaud encore en décembre, devant la Méditerranée bleue, à l’extrême sud de l’Europe. Sans que nous l’ayons programmé, la silhouette des temples, la comédie des jeunes, le soleil et la mer, les garçons en jeans et torses nus, les sonneries des téléphones portables qui jouaient le refrain d’un tube de l’été passé, et même les torches et les fumigènes ont produit une ambiance cent pour cent italienne, mélange de frime, de bondieuseries, de vacances et de péplum…
Indonésie. Nous avons organisé le Plus Beau Jour sous une pluie de soufre, dans un gigantesque cirque volcanique de onze kilomètres de diamètre, couvert de sable noir, à 2300 mètres d’altitude, au milieu duquel le cratère du volcan crachait des volutes de soufre. Les gouttes de pluie piquaient les yeux, et tout au bord du cratère, on avait du mal à respirer. La vapeur sulfureuse ne sortait pas du gouffre de façon régulière comme une fumée d’usine, mais de façon intermittente, comme une respiration de la terre. Aussitôt arrivés, les jeunes se sont dispersés et ont commencé leurs prises de vues, petits points de couleurs dans les nuages qui rasaient les dunes noires et faisaient alterner les averses avec de belles éclaircies. Plus qu’en Indonésie, nous étions à Java, île conquérante, coloniale, occupante d’autres îles, juste après le conflit de Timor et pendant celui des Moluques. La journée a été marquée par un mélange d’attitudes conquérantes, de fanions et d’épées, et de révolution, celle d’une jeunesse qui sent, avec la fin de la dictature, que son époque est venue.
Taïwan. La journée s’est déroulée dans un jardin de Puli, ville moyenne du centre de l’île, à 200 kilomètres de Taïpei, qui s’est trouvée à l’épicentre du tremblement de terre de juin 1999. Il a plu, d’une pluie battante et sans accalmie, toute la journée, comme il pleut huit mois par an à Taïwan. La fête s’est transformée en un grand ballet de parapluies multicolores, les jeunes ont oublié la pluie, quittant leurs chaussures pour jouer pieds nus sur le goudron brillant d’un chemin ou dans l’eau d’un bassin. Une nuit de juin, tous ces jeunes ont été réveillés par le tremblement de terre qui a été ressenti violemment jusqu’à Taïpei. Tous, au sortir de la secousse, avaient perdu au moins un proche, et on ne le ressentait tellement pas parmi eux qu’il était troublant de les regarder jouer sous la pluie. Parce que c’était Puli, la ville martyr, le vernissage a reçu la visite du ministre de l’Éducation et de la Télévision qui a suivi les jeunes pour un reportage jusque dans leur école où, dans la cour, il restait un grand rectangle clair dans la pelouse là où avant se dressait un bâtiment à étages.
Syrie. Une excellente route goudronnée nous a menés en plein désert, non loin de Damas, et s’est arrêtée brusquement au milieu d’une multitude de vieux volcans affaissés. Après une grande plate-forme de goudron, construite comme si c’était pour y faire demi-tour, plus rien, une vague piste, de la caillasse à perte de vue, jusqu’en Irak. Les jeunes étaient hystériques, 300 ont voulu s’inscrire, un groupe de ceux qui n’avaient pas été inscrits a même loué un bus pour nous suivre et participer de force à la journée, mais le directeur de leur lycée a intimidé le chauffeur du bus et ils ne sont finalement pas venus grimper sur les volcans. Nous avons demandé aux cars de disparaître et de ne réapparaître que lorsque la nuit serait bien installée sur le désert, comme s’ils nous avaient abandonnés. Alors, seuls au milieu des pierres et des mamelons obscurs des volcans, les jeunes se sont mis à hurler le plus beau jour de ma jeunesse, le plus beau jour de ma jeunesse, à en perdre la voix, en lançant vers le ciel une centaine de tubes bleus luminescents qui décrivaient des courbes de lumière, comme cent comètes, en nous portant en triomphe, en chantant, en dansant au rythme d’un tambour qu’ils avaient apportés, et encore de plus belle, le jour du vernissage, à en faire vibrer les murs du lycée où avait lieu l’exposition.
Russie. Des télés, des radios, des interviews, tout au long de la journée, dans le grand parc Gorky, en plein cœur de Moscou, au bord de la Moskova, face au puissant et gigantesque ministère des Affaires étrangères. Une dernière fois, nous avons craint pour le résultat, parce que les participants nous semblaient trop jeunes : beaucoup étaient encore des enfants. Ils se sont dispersés au milieu des attractions un peu vieillottes. Nous n’y croyions pas. Le résultat nous a détrompés : nous n’avons pas réussi à exposer moins de 120 images au Mois de la photo de Moscou, d’une modernité surprenante, comme si les petits Russes avaient appliqué à l’an 2000, dans la verticalité de leurs images, dans leurs cadrages impeccables, de vieilles leçons constructivistes. Le plus beau jour de ma jeunesse s’est terminé à l’orient de notre continent, plus exotique pour nous que l’Asie ou l’Afrique parce que les différences nous concernent davantage et nous semblent plus étranges. L’avion d’Aeroflot qui nous ramenait en France a décollé très à la verticale car les pilotes russes sont d’anciens pilotes de chasse et ont gardé l’habitude des décollages musclés. Nous avions l’impression de quitter le monde et de partir vers les étoiles en laissant, dans tous les pays que nous avons visités, une jeunesse heureuse.
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