PEINTURES - BOÎTES
1965
Je peignais depuis deux ans. Tout avait commencé par la boîte de pastels offerte par grand-mère qui disait depuis longtemps : « Mon petit-fils sera peintre ». J’en rigolais grassement, n’étant pas foutu de reproduire quoi que ce soit de ressemblant. Mon instituteur de 8ème ne s’était-il pas exclamé un jour où je m’affairais avec délice sur ma copie : « C’est quand même incroyable, toi qui viens d’une famille d’artistes, que tu sois aussi peu doué ». De ce jour-là, sans doute, je n’avais plus su dessiner, des figures stéréotypées idiotes sortaient invariablement de mon crayon. Mais la couleur m’avait libéré, je ne m’étais plus soucié de faire vrai, ça jaillissait : des arbres tourmentés, des calvaires, des chemins qui se perdaient dans le ciel, et toujours deux silhouettes qui avançaient dans l’immensité, vues de dos. Le premier tableau à l’huile m’a pris trois mois. Un camaïeu de verts, une lumière épaisse comme une glue qui tombait d’un vieux lampadaire, un premier plan d’herbes grasses, un arbre décharné qui exhibait un pendu, une calèche qui s’en allait vers la droite… Je couvrais la surface laborieusement, centimètre carré par centimètre carré, j’avais l’impression que mon tableau était vivant, que mon rêve y prenait chair.
Les boîtes
La peinture ne correspondait plus à mon besoin d’efficacité, je me suis lancé dans les boîtes, fortement inspiré par Louis Pons. J’accolais un fond peint ou une photographie avec un amalgame d’objets périssables : filets d’anchois, filets de bœuf, spaghettis, sucreries. Cette irruption du concret dans l’abstraction lisse de l’image court-circuitait le réel, cristallisait un peu de chair sur le rêve.
1976
J’ai délaissé la dialectique austère des boîtes pour la peinture acrylique. Coups de flash sur les temps immémoriaux, je peignais sur des photocopies de vieilles photos très agrandies, de façon à ne conserver que des tracés, les contours des scènes mythiques de mon enfance : le train électrique sur la terrasse en ciment, la première baignade à la mer, Porquerolles l’été 55. Je faisais disparaître de l’original tous les personnages qui n’étaient pas moi, pour apparaître seul dans ma poignante nudité.
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